May 4, 2024

Interview “Art?” avec Freddy Denaes, Collector


La grande différence entre une photo argentique et numérique est, pour moi, cette indicible sensation que dans une photo argentique le regard peut entrer dans la photo, s’enfoncer dans l’image et à chaque étape, découvrir plus de détails, plus de sensations, plus d’histoires à nous raconter.

En ce sens, Freddy Denaes est une véritable photo argentique. Africaine peut-être.

Portrait ‘by the glass’ – (c) F. Laxalt

Si vous le rencontrez pour la première fois en buvant un verre place du forum à Arles, vous découvrirez plus tard qu’il est un grand collectionneur et qu’il vient d’acheter des photos dans une vente aux enchères. Si vous lui présentez vos photos pour avoir un avis, il vous vous proposera peut-être de faire un livre. Si vous lui parlez de votre amour pour Francis Bacon, il vous racontera qu’il l’a rencontré dans son atelier. Il vous racontera peut être aussi qu’il aime bien prendre un petit whisky le soir avec Sabine Weiss. Ou qu’il revient juste d’Afrique où il aide de jeunes photographes à lancer leur carrière. Ou qu’il est en train de monter un documentaire sur Antoine d’Agatha. Ou Pierre Soulages.

Et si vous cherchez à discuter de l’histoire de la photo, des liens entre photo et art en général, si vous voulez découvrir de nouveaux artistes ou des génies disparus et méconnus, il vous épatera. A la fois éditeur, collectionneur, expert, mécène, réalisateur, il est difficile de faire le tour de du personnage.

Un érudit joyeux. Un professionnel à visage humain. Un ami des arts et des artistes.

Pour voir les livres photos publiés par les éditions de l’œil c’est ici: https://www.editionsdeloeil.com/photographie

L’interview Art? en 17 questions


Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
L’envie de voir le soleil et de bouger.


L’art est-il essentiel à la vie?
Il y a une formule essentielle de Robert Filliou: “L’art c’est ce qui rend la vie plus importante que l’art.”


Qu’est ce qui a été le déclencheur de votre carrière/démarche dans l’art? 
Je ne sais pas. J’ai toujours eu l’impression que j’aimais découvrir et j’ai pris conscience d’avoir amassé certaines choses de valeur et importantes pour moi que très tard dans ma vie. Tout ce que je faisais, c’est des coups de coeur, des impulsions et un jour ça a fait sens. C’est pour cela que j’avais appelé ma collection Ex Nugis Seria, c’est à dire des petits rien qui font un tout ou des choses sans importances qui deviennent quelque chose.


Quelles musiques devrions nous écouter en regardant vos oeuvres (ou les oeuvres de vos artistes préférés)
Du Eric Dolphy.


Si vous étiez une oeuvre d’art, laquelle ce serait?
Ce serait une oeuvre iconoclaste. Par exemple un petit tampon de Filliou ‘bien fait, pas fait, mal fait’


Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres artistes / galeristes / journalistes / collectionneurs?
Je ne sais pas. Chaque artiste, collectionneur a sa façon de créer, de collectionner. Chacun est bien sûr unique et on fait quand même partie du même monde.


Quel est le livre que vous pouvez relire 10 fois?
Les yeux de la violence de Jean-Luc Parant. J’avais lu son livre bien avant de le rencontrer et de collectionner ses oeuvres.


Quelle est la dernière oeuvre d’art qui vous a fait pleurer?
Taryn Simon sur les histoires de ces hommes qui ont été condamnés alors qu’ils étaient innocents (‘The Innocents’). L’exposition était magnifique. Et le livre aussi.


Quel est la chose que vous regrettez de n’avoir jamais oser faire?
(Rire). Il y en a trop. Joker.


Quels sont les artistes dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Bernard Faucon, Jean-luc Parent, Ralph Eugene Meatyard. Bien sûr il y en a plein d’autres, mais là je reste là dans mes domaine de prédilection.

R.E. Meatyard – Romance (N.) from Ambrose Bierce #3, 1962

Ecole d’art ou autodidacte? (pour les artistes / galeristes uniquement)
Autodidacte!


Votre petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Un petit whisky le soir. Et parfois avec Sabine Weiss.


Quelle est la photo que vous regrettez de ne pas avoir achetée?
Il y en une que j’ai loupé deux fois et je le regrette beaucoup:  Le joueur de flute dans les andes de Werner Bischof.


Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
J’aurais bien aimé voir Francis Bacon.


Vous pouvez monter l’exposition de vos rêves. Dans quel musée/galerie et  quels artistes vous exposez?
Je choisirais un lieu où on se sente bien; ce ne sera pas un musée mais un lieu ouvert au monde et réceptif du monde. Pour les artistes, j’aimerais une sorte de minimalisme, avoir quelques oeuvres de quelques artistes que j’aime beaucoup. Quelques dessins de Jean Fautrier, quelques photos de Bernard Faucon, de William Klein et de quelques autres. 80-100 oeuvres au maximum, mais avec une belle scénographie et laisser le temps aux visiteurs de respirer, d’aller et venir et d’apprécier.


Quel est le moteur qui vous pousse à continuer?
L’art. Découvrir de nouvelles choses. Et surtout de ne jamais s’arrêter à ce que l’on connaît et d’aller à la découvertes de nouveaux artistes.


Quelle question ai-je oublié de vous poser?
Jusqu’à quel âge tu comptes continuer comme ça?
Et ma réponse : le plus longtemps possible.